Le passé (simple), c’est compliqué

(Avertissement :  cet article est teinté d’une certaine ironie bienveillante)

Dans un article de la presse nationale quotidienne, une journaliste interpelle ses lecteurs avec la question suivante :
« Le passé simple va-t-il disparaître ? »
Frisson d’inquiétude.

On apprend ainsi que le passé simple est de moins en moins utilisé
SI on recherche sur internet on voit qu’un article similaire avait déjà été publié en 2018, avec l’interview d’une spécialiste du français et de son apprentissage.
La question est grave.

Cette spécialiste passionnée par le sujet remettait – (ce qui est de l’imparfait et non du passé simple) – en question certaines réformes du programme qui ont favorisé (passé composé) – selon elle – cette terrible situation.
Trouver un coupable.

On lui demandait si l’apprentissage du passé simple était discriminant, c’est-à-dire qu’il ne pouvait être appréhendé que par certains élèves : les plus doués, les plus travailleurs, les mieux lotis sur le plan social…
Sa réponse fut (et là, c’est du passé simple et non un contenant pour de la bière) :
« Ce qui est discriminant, c’est que l’on n’enseigne plus suffisamment l’ensemble des conjugaisons de manière systématique, y compris celle du passé simple. »

Selon cette spécialiste donc, il faudrait sans doute que la priorité soit donnée à la connaissance approfondie et à la maîtrise parlée et écrite de la langue française par les jeunes Français.

Au détriment de quoi ?
Du sport ?
Des mathématiques, de l’histoire…
Du temps en famille ?
Du temps de repos ?

La question n’est pas posée.

Cela dit,
On peut la comprendre.

On peut le comprendre.

Chacun défend sa boutique !
Avec plus ou moins d’ardeur.
Sans doute que cette femme est identifiée au personnage pour qui la maîtrise de la langue française classique et surtout des différentes formes de conjugaison du passé est essentielle pour être une personne digne de ce nom ou tout au moins se garantir un maximum de chance de réussite dans son avenir… Pour avoir plus tard, une bonne situation. Ce qui est sans doute important pour elle si on veut réussir sa vie.
Peut-être aussi que – pour le personnage dans lequel « elle est » – la France et ses grandes valeurs universelles sont en danger s’il n’y a pas suffisamment de Français qui maîtrisent parfaitement le passé simple… Que maîtriser l’imparfait ou le passé composé ne suffit pas. Que ce serait plus que parfait si on se remettait au passé simple. Tout simplement.
 
Qui sait ?
Elle seule le sait.

Alors, elle et d’autres mènent ce combat crucial pour l’avenir des Français et de la France.
Combat crucial pour la langue aussi.
On ne sait pas si la langue française – telle qu’elle est et qui n’est déjà plus ce qu’elle était – la remercie d’une façon ou d’une autre… lui envoie de bonnes ondes… On peut en douter.
C’est plus le personnage dont nous avons parlé ci-dessus qui s’accomplit, ce qui procure à cette femme … un sentiment d’accomplissement. Ce sentiment, qui est une émotion, est-il naturel ?   

*

Quel être de la nature voudrait vivre dans le passé ?
Quel être de la nature voudrait se battre pour quelque chose qui n’existe pas ou plus vraiment ?
L’humain.

Pourquoi vouloir le passé pour le futur ?
Pourquoi vouloir revenir en arrière ?
Pourquoi se battre pour le passé ?
Pourquoi ignorer le présent ?
Qu’est-ce qui nous fait penser et agir ainsi ?
Et bien c’est « notre ami » l’égo. (Qui n’est, rappelons-le, ni une entité maléfique, ni un moteur… simplement un fonctionnement).


Dans le dernier article, c’est un journaliste qui reprend donc cette question qui semble préoccuper un nombre important des lecteurs du journal.
Il faut savoir qu’on publie ou non un article à partir du moment où il intéresse le lectorat du journal.
C’est-à-dire que le lectorat est identifié au personnage qui se reconnaît dans les problématiques abordées dans le journal.
Le lecteur va alors dire « Oui c’est grave » ou alors « ça, c’est intéressant », « oui, moi aussi je pense cela… »
En lisant le journal, il va nourrir les besoins du personnage.
Il va entretenir le personnage qui a soif de ces connaissances et ces points de vue qui constituent l’identité du ou des personnage(s) au(x)quel(s) il est identifié.

Dans ce dernier article, donc, la journaliste affirme qu’une langue qui n’est pas utilisée est condamnée à l’oubli.
Condamné. Oubli.
Dans « condamné »,  il y a la notion de coupable, de culpabilité, mais aussi- comme dans oubli –  la notion de mort.
C’est grave !

La journaliste explique ainsi que le gaulois – parce qu’il ne se transmettait que de vive voix – a été supplanté par le latin.
Pauvre gaulois qui n’a pas survécu au latin comme Vercingétorix n’a pas été épargné par Jules César.
Versons deux petites larmes pour ces deux ancêtres : l’un de notre langue et l’autre de notre peuple. En tout cas, c’est ainsi que ce dernier, ce valeureux guerrier, nous est présenté dès notre plus jeune âge à l’école lorsqu’on a fréquenté les bancs de classe… français.
Amis Belges, Luxembourgeois, et Suisses, cela vous concerne moins, même si le territoire où vous vivez fut occupé -en son temps- par des « Gaulois ».
Quant à vous amis insulaires des départements et territoires d’outre-mer… Je ne sais quoi vous dire ! Ou alors si : « ça n’a pas d’importance », « ça n’a d’importance que si on croit que c’est important ».

Revenons-en, au gaulois et au passé simple.
Quel est le lien ?
Et bien si on ne fait rien pour défendre le passé simple il va disparaître comme le gaulois et la culture gauloise ont disparu.
Ah oui …
Et alors ?
Ben c’est grave !
C’est grave parce qu’on va perdre … « notre identité ».
La peur. L’identité. Le passé.

Si on perd notre identité, on n’existe plus, on n’a plus de passé, on « mourrait » en quelque sorte.
Mais qui ou quoi mourrait ?
L’instinct de survie s’active inconsciemment pour le personnage qui croit que c’est important de parler « comme avant » s’active et va créer l’abattement ou la révolte. Parce qu’on y est identifié.
Dans tous les cas, on va commencer à rechercher des coupables.
Les professeurs qui ne maîtrisent plus assez la langue française.
Les parents qui ne s’occupent plus de leurs enfants
Les enfants qui sont devenus paresseux.
Les Anglo-saxons qui veulent imposer leur langue au monde entier.
Etc…
L’Identification crée la séparation.

L’article a bien rempli sa mission : créer des émotions chez son lecteur.
Le lecteur identifié au personnage qui lit et écrit convenablement le français aura eu sa petite dose d’adrénaline et en bonus , il pourra en discuter avec tous ces autres qui pensent, parlent et écrivent – plus ou moins – comme lui.

Pour conclure le passé simple n’est donc plus autant utilisé qu’il ne le fut par le passé.

Et pourquoi ?
Parce qu’il est compliqué à utiliser.
Le passé – simple- est un temps compliqué à employer.
Le Passé simple est en fait compliqué !
En fait c’est plus simple d’utiliser l’imparfait que le passé simple.
Paradoxe merveilleux qui manifeste une fois de plus qu’on peut faire dire ce qu’on veut aux mots.

Employer le passé simple peut aujourd’hui vous faire passer pour une personne du passé.
Qui dirait aujourd’hui : « Quelle ne fut ma surprise lorsqu’il m’annonça ses fiançailles. »
On l’écrit et on le lit, mais on ne le dit plus.
Et on ne le fait presque plus (se fiancer)


L’espèce humaine a cette faculté extraordinaire de produire des Don Quichotte que se battent pour que le passé ne disparaisse pas. Et ces Don Quichotte sont vénérés dans certains « cercles ». Ceux où on veut que ça continue à vouloir que ça se passe comme avant.


*

Vous pouvez vous passer du passé simple !
S’il faut l’utiliser… utilisez-le !
Ou utilisez un autre temps du passé : l’imparfait, le passé composé…

Mais le plus souvent : passez à autre chose, revenez au présent.
« C’est là que ça se passe ».

En fait, le passé n’existe pas.
Il n’existe que si on croit qu’il existe.

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