Le juge, la victime et le coupable – « Présent » Chap. #41

« Mais pourquoi t’as fait ça ? »

On pose parfois cette question à une personne lorsqu’on a l’impression que ce qu’elle a fait n’est pas « bien ».
Il y a souvent du jugement …Une part de reproche, surtout si, dans l’intonation, on la perçoit.

Il arrive que cette question soit posée d’une façon « éveillée » afin d’aider l’autre à prendre conscience de ce qui l’a amené à agir comme il l’a fait.

Dans ce cas, c’est juste une question et l’interrogation sera formulée d’un façon plus indirecte et compréhensive. Par exemple « J’aimerais comprendre pourquoi tu as dit cela. » Ou alors « Est-ce que tu sais pourquoi tu as dit cela ? » Ou bien encore « Qu’est ce qui t’as fait dire cela ? » (Percevez-vous la douceur avec laquelle la question a été posée cette fois-ci)


Ce qui est intéressant, c’est que « nous » les humains, on se pose souvent à nous même cette question.
Oui, on se tutoie à soi-même.
On se dit : « Pourquoi tu as fait cela ? »

« Qui » pose la question à « qui » ?

Il y a ces « conversations » que nous avons avec nous-même et qui ne sont que l’expression de la pure conscience. 
Lorsque cela survient, on est évidemment pleinement présent à notre essence, à ce qui est.
La conscience interpelle.
Et si on reste présent, c’est elle aussi qui répondra.

La conscience doit passer par le cerveau afin de remplacer une croyance par une prise de conscience.
Cette nouvelle prise de conscience devient un savoir et ce savoir a donc remplacé une croyance, c’est à dire un point de vue que nous avions, et qui était hérité d’anciens fonctionnement automatiques, de certitudes sur un sujet donné que nous avions intégrés sans même nous en rendre compte.

Voilà comment on se libère !


Par exemple voici le genre de dialogue que ce processus peut créer :

« Pourquoi as-tu besoin de partir loin en vacances ? »
La première réponse qui sortira automatiquement sera l’une des croyances qui régit jusqu’alors la question.
Elle pourrait être : « J’ai besoin de m’évader . »
Et alors si on est pleinement présent, connecté, la conscience pure dira « Ce n’est donc pas de cela que tu as vraiment besoin. »

Cela pourrait apparaître comme un jugement ou une critique, mais ça ne l’est pas.

On est le seul à savoir si c’est un jugement ou si c’est la voix de sa vérité.

La voix de la vérité est douce et bienveillante.

Celle du juge est impérative et teintée de reproche.

Soit on reconnaît cette voix, soit on reste dans la croyance.

Ce dialogue – en particulier pour tous ceux qui ont une activité cérébrale intense – est indispensable, mais pour qu’il porte ses fruits, il doit se faire en étant pleinement présent, totalement honnête avec soi-même, sans peur …


* * * *

Mais le plus souvent ces conversations du mental ne se font pas en étant présent.
Elles se font automatiquement.


On vient de dire ou de faire quelque chose…Et on se sent mal.
On se dit « Pourquoi tu as dit ça ? », et souvent on ajoute son propre prénom.
« Mais pourquoi tu as dit ça, Dominique ???!!! »
Et le ton de la question est chargé de reproches.

Qui pose la question à qui ?

« Qui » demande à « qui » « Pourquoi tu as fait ça ? »

Vous êtes en train de faire des courses, vous craquez pour une boite de chocolat et après être passé en caisse, vous regrettez soudain cet achat et vous vous dites « Pourquoi tu as acheté ça ? »
Une petite sensation de colère pourrait même survenir.

Vous pourriez même ajouter : « Mais pourquoi tu as encore craqué pour ce chocolat ? »

La question n’est pas de savoir si c’est bien ou non d’acheter du chocolat bien sûr…

Pas non plus de savoir si le chocolat noir est meilleur ou non pour la santé que le chocolat au lait !


La question c’est : « qui » pose la question à « qui » ?

C’est cocasse parce qu’on ne se pose jamais cette question !
On se parle à soi-même et on trouve ça normal.

« Qui » pose la question à « qui » ?

* * * *

Celui qui pose la question sous la forme d’un reproche, c’est « le juge en nous ».

Et ce ne serait pas un problème s’il n’y avait pas, en face, « un autre nous » qui se sent coupable.
Car s’il n’y avait personne en face, « le juge en nous » parlerait dans le vide. Ça ne durerait pas très longtemps.
Et puis cet autre en face, « le coupable », peut rapidement se transformer en un troisième personnage : « la victime ».


On peut en effet avoir ce petit dialogue intérieur amusant entre les 3 personnages :

Le juge : « Pourquoi tu as dit ça ? »
Le coupable qui pour l’instant n’est que le suspect : « Heuh… » (Cette phase ne dure jamais très longtemps car il faut avoir un avis, il faut trancher, il faut dire « oui ou non » 
Alors je juge insiste et le coupable avoue « J’ai fait n’importe quoi ».
Mais souvent, cet état de coupable ne dure pas très longtemps.
En effet le coupable peut se transformer en victime : « C’est à cause de l’autre là, il m’a provoqué… »
Le juge : « Tu ne peux plus lui faire confiance ».

La sanction est tombée. La honte puis le ressentiment se font ressentir, puis la colère s’exprime. La séparation s’est opérée (tu ne peux plus lui faire confiance »).
C’est amusant mais le résultat est dramatique : la séparation et la colère c’est à dire la souffrance. C’est le double effet Kiss Cool de l’inconscience.

Et tout ça se passe « au-to-ma-ti-que-ment » sans qu’on s’en rende compte.

Pourquoi ?

Parce qu’on n’est pas présent.
On laisse faire le mental.
Open bar ! Cocktail de croyances et de peurs à volonté !
Servez-vous ! Il y en a pour toutes les situations.



Un autre exemple :

Le juge : « Pourquoi tu as dit ça ? »
Le coupable qui se cache : « Heuh…. »
Le coupable qui avoue : « Je suis vraiment trop nul … »
Le coupable qui est aussi la victime : « Je suis nul parce que mes parents m’ont toujours dit que je l’étais. »
Le juge : « Tes parents t’ont vraiment fait beaucoup de mal, c’est pour ça que tu es nul. »

On vient d’ancrer encore un peu plus l’identification aux personnages de la victime (« on t’a fait du mal ») et du coupable (« tu es nul »).

* * * *

Qui sont le juge, la victime et le coupable ?

Les personnages principaux de l’égo.

Ils s’opposent avec le personnage qu’on voudrait être et confirment le personnage que l’on croit être.


Ce mécanisme automatique d’identification à la victime ou au coupable avec le personnage du juge intérieur qui choisit entre les deux, crée la déconnexion avec « ce qui est » et entretient la souffrance de l’Homme.

Cette souffrance de l’Homme est inscrite en chaque être humain dès sa naissance.

Le bébé qui nait a déjà entendu de la bouche de ses parents toutes ces histoires malheureuses, ces drames qu’ils portaient eux-mêmes. Le plus souvent de façon inconsciente. Les mots employés, l’intonation, la colère sourde transparait dans tout ce qu’il a pu entendre. L’enfant a tout entendu et il continuera à entendre et à intégrer en son corps cette souffrance de l’Homme. Et la souffrance familiale particulière.
Tous ces drames s’ils n’ont pas été pardonnés, ils sont portés et transmis.
Sous la forme des personnages de la victime ou du coupable.


Les animaux ne portent pas un telle souffrance en eux.
Parce qu’ils n’ont pas d’histoire. Parce qu’ils ne jugent pas.

Parfois, un chien porte en lui une souffrance continue. Il est constamment apeuré et peut en devenir agressif.
Mais qui a créé cela ?
Qui a maltraité ce chien si ce n’est un humain ?



Quand on prend conscience qu’on incarne en fait ces personnages et qu’on porte cette souffrance, il faut les quitter et il faut s’en délester.

Pourquoi ?
Tout simplement pour ne plus souffrir et retrouver la Paix. (Et oui pour le juge, la victime et le coupable, c’est « normal » de souffrir et la Paix n’existe pas).


Comment ?
D’abord, souvent, changer d’environnement et de fréquentation. C’est la fuite.
Mais la fuite peut elle aussi ensuite devenir un fonctionnement automatique qui peut « entretiendra » le personnage de la victime.

Mais arrive un moment où il faudra accepter et pardonner.

* * * *

On parle souvent de « la victime, du bourreau et du sauveur », ce triangle dramatique inventé par Karpman et qui se révèle en fin de compte une impasse pour les ses acteurs.

Mais il s’agit plus de « rôles » et souvent le bourreau ou le sauveur se considèrent en fait comme des victimes.
Même les pervers narcissiques se considèrent au fond comme des victimes.
Et le sauveur pourra être considéré comme le coupable par la victime ou le bourreau.

Le trio « juge, victime et coupable » est plus pertinent à mon sens et permet de mieux visualiser l’origine de la souffrance.

Quoiqu’il en soit, dans les deux cas, il faut savoir « en sortir ».
Et cela passe par la conscience.

* * * *

Tant que l’on croit qu’on est ces personnages…

Tant qu’on croit qu’on doit juger…
Tant qu’on croit et qu’on écoute le juge « en nous » qui dit qu’on est soit coupable, soit victime… Ou que les autres sont soit victimes, soit coupables …


On restera dans ce jeu autodestructeur.

La solution est donc simple quand on a été pris dans ce jeu.
Reconnaître qu’on a été pris dans ce jeu.
Et en sortir.

C’est en étant présent qu’on peut détecter la mise en place du processus automatique.

Dès que vous vous plaignez.
Dès que vous en voulez à quelqu’un ou à la vie.
Dès que vous avez envie de fuir, de rétorquer ou de vous recroqueviller sur vous-même.

Vous êtes dans le personnage de la victime.

Dès que vous culpabilisez ou regrettez et que ça tourne en rond, vous restez dans le personnage du coupable.

Être présent c’est voir ce qui est, mais c’est aussi tout accepter de ce qui est.
Et le passé n’est pas dans « ce qui est ».

Vous aimez ? 



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